Association médicale canadienne

Avec la crise du système des soins de santé que nous vivons actuellement, l’anxiété entourant la publication des résultats annuels du Service canadien de jumelage des résidents (CaRMS) ne se limite plus aux diplômées et diplômés en médecine qui attendent de savoir où ils étudieront, travailleront et habiteront lors de leur résidence dans la spécialité qu’ils ont choisie. Ces résultats sont aussi devenus le baromètre de l’accès futur aux soins de santé. En effet, les pénuries de médecins de famille ont fait la une plus tôt ce printemps, particulièrement au Québec.

Le jumelage du CaRMS reflète bien les tendances et les pressions en matière d’effectifs, mais il ne peut révéler que le nombre de postes choisis – et non s’il s’agit des bons postes aux bons endroits à l’échelle du pays. 

Bien que le CaRMS soit un outil centralisé de jumelage des résidents et résidentes, la détermination du nombre de médecins à former et de l’emplacement de cette formation demeure cloisonnée par région. Les ministres de la Santé des provinces et des territoires fournissent chaque année du financement aux hôpitaux et aux universités pour un nombre précis de résidents et résidentes, souvent sans vision à long terme des besoins en effectifs.

Comme le Canada ne possède pas de données nationales ni de système de planification des effectifs de la santé, les prévisions se font d’après une mosaïque d’informations provinciales et territoriales, sans égard à l’évolution de la durée d’une carrière professionnelle, de la composition démographique et des besoins de la population, de même qu’au passage à différents modèles de prestation des soins.

Sans une approche nationale, nous ne pouvons pas planifier la gestion des défis qui se profilent à l’horizon :

  • Le nombre d’adultes de plus de 65 ans a triplé au cours des 40 dernières années, et on s’attend à ce qu’il augmente de 68 % au cours des 20 prochaines années. Le nombre de médecins capables de prendre en charge les besoins complexes d’une population âgée n’a pas augmenté en proportion.
  • Nous continuons d’entendre que des médecins de famille mettent fin à leur pratique en raison d’un épuisement professionnel et d’autres facteurs de stress. La situation est particulièrement préoccupante dans les communautés rurales et éloignées, où la patientèle dépend parfois d’un seul médecin. Dans le nord de l’Ontario, on s’attend à ce que la moitié des médecins prennent leur retraite d’ici cinq ans. Si personne ne vient pourvoir ces postes, des communautés entières en feront les frais.  
  • Nous manquons aussi de spécialistes. De 2022 à 2031, on estime que le nombre de nouveaux postes de médecins spécialistes à combler s’élèvera à 29 800, alors qu’on s’attend à 24 000 candidates et candidats, si l’on inclut l’immigration et les réaffectations. Le temps d’attente pour voir un ou une spécialiste dépend d’une multitude de facteurs – type de spécialiste, lieu, degré d’urgence –, mais selon une enquête menée en 2023, les médecins rapportent un temps d’attente médian de 27,7 semaines entre l’aiguillage d’un ou d’une généraliste et l’obtention du traitement.
  • La population canadienne peine déjà à accéder à des services en santé mentale, et on prévoit que la pénurie actuelle de psychiatres sera exacerbée par une vague de retraites imminente.

L’Association médicale canadienne (AMC) croit que l’obtention de données nationales sur les effectifs de la santé et la planification intégrée à long terme sont essentielles à l’épanouissement des effectifs de la santé et à la formation des résidentes et résidents à l’endroit où l’on a le plus besoin d’eux. L’automne dernier, l’AMC a réuni plus de 40 organisations de soins de santé dans le cadre d’un sommet sur les effectifs de la santé pour explorer les besoins futurs.

Nous avons fait d’autres pas dans la bonne direction. À la suite d’appels à l’action de l’AMC et de ses partenaires du secteur de la santé, un engagement à recueillir et communiquer les données sur la santé a été intégré aux récents accords de financement conclus entre Ottawa et les ministres de la Santé provinciaux et territoriaux. Le gouvernement fédéral finance également Effectif de la santé Canada, un organisme indépendant visant à promouvoir les politiques fondées sur des données probantes. 

Tous les ordres de gouvernement pourraient toutefois en faire plus. En partenariat avec l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC) et le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC), l’AMC a formulé huit recommandations dans le but d’atténuer la crise des effectifs de la santé. 

La plupart des provinces et des territoires ont déjà engagé davantage de travailleuses et travailleurs de la santé et se sont engagés à fournir des incitatifs de fidélisation. Cela dit, selon le dernier rapport d’étape de l’AMC, seules quelques administrations disposent de stratégies complètes de gestion des ressources humaines de la santé ou de plans de recrutement ciblés. 

La réunion estivale du Conseil de la fédération sera une bonne occasion pour les premiers ministres provinciaux de discuter de gestes tangibles à poser pour remédier à la crise qui touche le système des soins de santé. Il faudra donner la priorité à la planification collaborative des effectifs à long terme de façon à répondre aux besoins de la population canadienne dans les décennies à venir. 

Les médecins résidents et médecins résidentes sont essentiels au bon fonctionnement du système de santé. Ensemble, nous pouvons créer un futur où leur succès à long terme – et celui de la patientèle – est assuré. 

La Dre Kathleen Ross est médecin de famille à Coquitlam et à New Westminster, en Colombie-Britannique, et présidente de l’Association médicale canadienne.  

Cet article a été initialement publié sur le site healthydebate.ca.
 

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